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Inclusion financière et COVID-19: cette crise est-elle une opportunité pour la finance numérique? (1ère partie)

  • August 14, 2020

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Ahmed Dermish

ahmed.dermish@uncdf.org

Elisa Sitbon Kendall

elisa.sitbon@uncdf.org

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La crise sanitaire actuelle du COVID-19 est d'une ampleur sans précédent. Les trois quarts de la population mondiale ont été confinés et désormais personne ne sait vraiment ce qui vient après. Il semble clair qu’une refonte de l'économie mondiale, et des changements sociaux et politiques majeurs semblent désormais inéluctables.

Aujourd'hui presque tous les pays du monde sont touchés par le virus. Cette crise met à l'épreuve les infrastructures vitales de chaque pays à plusieurs niveaux allant de la solidité des infrastructures de santé ou de l’alimentation, à d’autres domaines comme les services de télécommunications ou financiers. L'état du système bancaire et financier d'un pays aide à déterminer s'il résistera ou non à la crise économique au lendemain de la crise sanitaire. Et à bien des niveaux cette crise révèle l’importance des services financiers numériques.

Premièrement, en soutenant les efforts de distanciation sociale, la finance numérique a joué un rôle dans la lutte directe contre la propagation de l'épidémie. Par exemple, certains pays ont diminué les montants avec lesquels vous pouvez payer numériquement, et de nombreux magasins en Europe ont demandé ou exigé des paiements numériques au lieu d'espèces. De ce fait, la numérisation de l'argent est devenue un outil permettant de s’assurer que la vie économique ne devienne pas un facteur de risque de transmission du virus.

Les services financiers numériques peuvent également contribuer à amortir les effets économiques de la crise. Pendant le confinement, les services financiers mobiles ont permis aux gens de continuer à recevoir de l'argent de leur employeur, d’effectuer des transferts d'urgence à leur famille et de payer leur loyer ou leurs factures sous forme numérique sans même quitter leur domicile et prendre le risque d'être infecté. Comme Melinda Gates l'expose dans son article récent dans la revue Foreign Affairs, les paiements en numérique permettent également aux gouvernements de soutenir leur population directement en effectuant des transferts d’argent (G2P) qui arrivent directement sur le compte des personnes ayant besoin de cette aide. Ils remplissent ainsi leur mission d'aider leurs citoyens sans avoir à créer des centres de distribution d’argent, coûteux et complexes à mettre en place. Par exemple, les pays les plus riches de l'OCDE ont élaboré un plan de soutien ou de relance qui bénéficierait des millions de petites entreprises, colonne vertébrale d’une économie. Ces efforts permettent aux entreprises de survivre et, surtout, de continuer à payer leurs employés alors que la vie économique ralentit à un rythme effréné.

Ces mesures permettront d'amortir l'impact de la COVID-19 dans les pays les plus riches. Mais qu'en est-il des pays à faible revenu?

Comme le rapporte le site The NextBillion, certains pays comme le Togo ont mis en place une subvention conçue pour soutenir les travailleurs informels pendant les trois mois de distanciation sociale imposée par l'État - une subvention sans condition qui donne à chaque travailleur 30% du salaire minimum. Les citoyens s'inscrivent par téléphone mobile et le transfert est effectué par argent mobile. De même, au Pakistan, les citoyens les plus pauvres peuvent désormais utiliser leur téléphone portable pour s'inscrire à un programme de soutien d'urgence géré par le Ministère de la Protection sociale et de la Lutte contre la pauvreté, les paiements étant transférés numériquement et liés à leur identité biométrique.

L'inclusion financière des plus vulnérables n'a jamais été aussi nécessaire qu'elle ne l'est aujourd'hui. Beaucoup sont encore laissés pour compte car l'argent mobile n'est pas assez répandu dans certains pays et les décaissements d’aides sociales en espèces se compliquent avec la distanciation due au COVID. En effet, près de 1,7 milliard de personnes ne sont toujours pas bancarisées, principalement en Afrique et en Asie. Pour eux, cette crise se révèle plus grave que pour d'autres. Un récent rapport d'Oxfam montre qu'un demi-milliard de personnes pourraient être plongées dans la pauvreté par la COVID-19. Pour la plupart des pays ayant une forte population non bancarisée, les défis associés à ce virus pourraient être amplifiés, allant d'un risque accru de transmission du virus, à des défis majeurs de distribution des avantages sociaux.

Cette crise représente une tragédie humanitaire profonde mais peut également inciter à prendre des réformes qui étaient nécessaires depuis longtemps. Grâce à une action rapide, certains pays effectuent des réformes réglementaires et politiques nécessaires et se propulsent, sous la contrainte, au rang des pays les plus avancés en termes d'inclusion financière. Cette crise pourrait-elle pousser des millions de personnes vers l’économie formelle?