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Women Working in the Cotton Value Chain in Burkina Faso

  • April 13, 2021

  • Ouagadougou, Burkina Faso

Le digital apparaît comme une solution pouvant permettre aux productrices de coton de se prémunir du vol ou de la perte de leur argent, du gaspillage dans des dépenses superflues grâce à un porte-monnaie électronique qui leur permettrait d’épargner en sécurité.

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Contexte

Le coton occupe une place stratégique dans l’économie de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, en particulier pour le Burkina Faso. L’exportation de la fibre de coton représentait plus de la moitié des recettes d’exportation du pays jusqu’à la moitié des années 2000, faisant du coton le premier pourvoyeur de devises.

Au Burkina Faso, la place de la femme dans la culture du coton est indéniable. La filière fait vivre les ménages ruraux et implique différents acteurs et organisations (coopératives, groupements). La participation des femmes dans la production cotonnière et dans la production du coton biologique est connue mais mal quantifiée et on ne connait pas leur impact sur la productivité et la viabilité économique des ménages.

Plus de 80 pourcent des femmes sont dans le secteur du coton biologique. Le coton biologique contrairement au coton Bt (un OGM, le Bacillus thuringiensis dont le gène codant la protéine insecticide a été extrait) est vendu plus cher, mais la charge de travail est plus forte et les rendements très faibles.

L’équipe UNCDF Burkina Faso a commandité une étude portant sur la cartographie de la chaîne de valeur du coton au Burkina Faso et l’identification des opportunités de digitalisation des paiements et des services non financiers dans ce secteur. L’étude couvre les régions d’interventions définies par UNCDF: le Centre-Ouest, le Centre-Sud et le Centre-Est.

Les femmes dans la culture de coton

Les Sociétés Coopératives (SCOOP) et les Groupements de Producteurs de Coton (GPC) rencontrés dans le cadre de l’étude sont des membres majoritairement masculins. Pour rencontrer des productrices de coton, il faut cibler les SCOOP exclusivement féminines. Quand une femme est à la tête d’une exploitation, elle a tendance à amener plus d’équilibre entre les genres en employant plus de femmes. Néanmoins, les femmes ont tendance à être cantonnées aux tâches moins lourdes. « Les jeunes hommes sont à la pesée, les femmes enlèvent le coton dans les champs, produisent le coton, aident à ramasser pour amener à la maison, et elles sont là pour servir l’eau à boire pendant la pesée du coton », explique Sibidou KABORE, grande productrice de coton de Sapouy, dans le Centre-Ouest.

Productrice en train de ramasser le coton dans un champ

Les femmes sont plus présentes dans le tissage, activité artisanale et majoritairement exercée par des femmes. Les tisseuses sont regroupées au sein d’associations bien structurées. L’Association des Tisseuses Teega-Wende (ATTW) a regroupé plus de 600 membres actives à sa création, nombre réduit à ce jour à 347 dû à l’inactivité de certaines tisseuses à la suite des intempéries et pluies de septembre 2019. Un autre défi majeur est l’accès aux matières premières. « Le fil est une denrée rare déjà à la base. Les femmes se battent pour en obtenir, ont perdu des grossesses, ont fait endurer à leurs bébés la queue sous le soleil. (…) Elles ont organisé des plaidoyers auprès du gouvernement et de la FILSAH, et la production a été augmentée », confie Germaine Compaore qui dirige l’ATTW (Association des Tisseuses Teega-Wende ) et est en même temps Présidente et Secrétaire Générale de la Fédération Nationale des Tisseuses du Burkina.

Les productrices de coton sont confrontées à plusieurs défis pour jouer pleinement leur role dans la filière coton, ces défis sont :

  • L’accès au foncier
  • L’accès aux équipements de production
  • L’accès à la formation et à l’information
  • L’accès au financement pour jouer pleinement leur role dans la filière

Activités génératrices de revenus

Les cotoncultrices ont souvent plus d’une activité génératrice de revenus (AGR), outre la culture du coton. « L’élevage de chèvre dont une dizaine de têtes et aussi une dizaine de poules. Comme activités génératrices de revenus, je fais la commercialisation du riz importé et de l’huile de consommation industrielle (…) La production du coton, et des céréales ; le petit commerce ; vente de chèvres et poulets » -Limata Compaore, du village de Sapouy, province de Ziro, Centre-Ouest, indique ses sources de revenus.

Jeune productrice de coton dans la région Centre-Est

La culture des céréales est la principale activité génératrice du revenu autre que le coton. Sur 136 femmes interviewées produisant du coton, 6 seulement ne culivent pas de la céréale. La production a un double objectif : une partie pour la consommation de la famille et l’autre partie est vendue.

Gestion financière

Les productrices de coton rencontrées déclarent des revenus modestes. Les productrices qui arrivent à générer plus de revenus sont celles qui cumulent plusieurs cultures. C’est le cas de Limata Compaore, productrice de coton et chef de ménage, qui alloue 1 ha au coton conventionnel avec une production de 400 kg en 2017, 800 kg de coton en 2018, 700 kg en 2019, et 3 ha pour le sorgho, le maïs, le sésame et l’arachide. Elle gagne « autour de 50 000 francs comme revenu net à chaque campagne et 150 000 francs pour les autres céréales ».

Les femmes qui génèrent leurs propres revenus grâce à différentes cultures agricoles dont le coton, contribuent pleinement aux revenus du foyer, à l’instar de Sibidou KABORE, grande productrice de coton de Sapouy dans le Centre-Ouest, qui affirme qu’elle « aide le chef de ménage à supporter certaines charges familiales comme l’achat de bœufs, la construction de maison, la scolarité … Avec le revenu acquis, (elle) arrive à couvrir (les) dépenses pendant la saison ; aussi le revenu de l’arachide et du sésame contribue à améliorer la production du coton ».

Apport du digital

Les femmes rencontrent plusieurs problèmes qui pourraient être résolus par des solutions numériques.

Digitaliser l’épargne est un premier exemple. L’argent est mis de côté en fonction de la capacité du ménage qui fluctue en fonction des saisons et des circonstances. L’épargne est souvent gardé à la maison avec le risque de vol ou de perte que cela comporte, ou la tentation de le dépenser. Pour atténuer tous ces risques, en l’absence de solutions numériques, les producteurs et souvent les femmes réinvestissent dans le petit commerce. Limata Compaore nous explique que « il n’y a pas une part fixe d’épargne, mais c’est en fonction du gain et des dépenses ; sur 100 000 francs, on peut épargner 50 000 francs quelque part dans (sa) maison pour éviter de la confier à quelqu’un pour éviter les risques de perte. Souvent l’épargne au lieu de la déposer, on l’utilise pour faire le petit commerce de riz. Pour éviter que l’argent soit dilapidé, (…) on achète du néré pour conserver et le revendre après pour résoudre un problème au besoin ». Ce type de démarche est appelé « spéculation » qui leur permet de patienter avant d’encaisser les recettes du coton : « On fait d’autres spéculations pendant l’hivernage, et on utilise des intrants pour améliorer le rendement. Après les récoltes, on peut se servir des produits de ses spéculations en attendant que le revenu du coton nous parvienne », poursuit-elle.

Le digital apparaît comme une solution pouvant permettre aux productrices de coton de se prémunir du vol ou de la perte de leur argent, du gaspillage dans des dépenses superflues grâce à un porte-monnaie électronique qui leur permettrait d’épargner en sécurité.

Un autre exemple concerne les retards de paiement issus de la vente du coton. Les femmes sont les producteurs qui subissent et souffrent le plus du retard de paiement du coton car elles doivent gérer le budget en épaulant le chef de ménage afin de supporter certaines charges familiales comme l’achat de bœufs, l’achat des condiments, la construction de maison, la scolarité des enfants. Elles n’ont donc qu’un souhait, que le paiement se fasse au plus vite. « L’argent du coton tarde à venir… On souhaite que le paiement se fasse tout au plus un mois après la vente », dit Limata Compaore. « … (le) coton est stocké en attente des transporteurs envoyés par la société cotonnière, quelques mois plus tard la société appelle pour le chèque de règlement, le paiement est en retard », déplore Fati Sana, jeune productrice de coton du Centre-Est, dans le village de Basbedo.

Les paiements via le digital seront d’une grande aide pour les femmes productrices de coton, qui sont très sollicitées dans les charges familiales. « Une fois, on a dû marcher 10 km avec notre paiement parce qu'il n'y avait pas de car pour rentrer », se plaignent les membres du Groupement de producteus de coton (GPC) Tiabirou de Sapouy, dans le Centre-Ouest. Les paiements des revenus issus du coton dans le compte mobile money des cotoncultrices permettent de pouvoir retirer l’argent au niveau du point mobile money du village et ainsi de pouvoir minimiser les risques de vol et les attaques pendant le trajet.

Un meilleur accès à l’information est le dernier exemple extrait de cette étude. Les flux d’informations sont majoritairement sortants dans la chaîne de valeur du coton, tandis que les informations entrantes provenant des producteurs sont faibles et peu structurées en raison de la structure organisationnelle des producteurs. Par ailleurs, au sein des acteurs directs de la filière, l’information circule du bureau de la SCOOP ou du GPC vers les producteurs, dans le cadre d’assemblées générales animées par les conseils d’administration.

Bien que le flux de services non-financiers et d’informations descende des services émetteurs vers les acteurs directs de la chaîne de valeur, les producteurs souffrent du retard d’informations. La digitalisation de la communication par le biais de téléphones mobiles (incluant les smartphones) est considérée comme un moyen de pallier aux déficits de communication en favorisant l’information directe, d’accéder plus facilement aux conseils et assistances agricoles, et enfin d’accéder aux informations, y compris celles sur la pluviométrie, les prix ou les subventions, à un coût avantageux.

Renforcement des liens sociaux culturels

Dans le village de Guiba, dans la région du Centre-Sud, à environ 90 km de Ouagadougou, les femmes sont réunies au sein d'un groupement, elles cultivent leur propre champ de coton. La culture du coton crée ce besoin de travailler en groupe et de s’entraider, ainsi nous avons des coopératives exclusivement féminines dans les différentes régions de culture de coton. Contrairement à la situation il y a une vingtaine d'années, les hommes acceptent aujourd'hui d'attribuer des portions de terre aux femmes pour la culture du coton. « nous les femmes, on s'entraide dans les champs dans la soirée », dit une cotoncultrice de la SCOOP de Goulgoutin, village de Dagamtenga, province du Kouritenga, dans la région du Centre-Est.

L’impact des femmes dans la culture du coton au Burkina Faso est non négligeable malgré les contraintes comme le changement climatique, le difficile accès aux ressources naturelles (terres, eau) et aux équipements. Afin d'accroître la production du coton et améliorer les conditions de vie des femmes, la digitalisation permettrait de faciliter et accélerer l’impact de services financiers et non financiers dans la chaîne de valeur du coton pour les femmes.

Productrices de coton du GPC SOUGR NOOMA de la commune de Basbedo, Centre-Est