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Cinq défis à relever pour des agents ruraux pérennes au Bénin

  • 30 August 2019

  • Cotonou, Bénin

Landry N’GBESSO & Bery Kandji, Amarante Consulting

Plus d'informations: bery.kandji@uncdf.org

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Vue de la lagune de Ganvié, à Sô-Ava

Au Bénin, les fournisseurs de services financiers ont massivement investi dans l’extension de leurs réseaux d’agents. Entre 2016 et 2017 le nombre d’agents enregistrés a doublé, passant de 20 000 à 40 000 agents.Cependant, seuls 25 000 agents sont actifs selon le rapport sur l’état du marché de UNCDF. Les agents font face à des difficultés dans l’exercice de leur activité comme nous l’annoncions dans un précédent blog.


Pour comprendre ces défis, UNCDF a mandaté le cabinet Amarante Consulting pour une recherche dans 5 localités du Bénin, à savoir Sô-Ava, Zangnanado, Dassa-Zoumè, Tanguiéta et Malanville.
L’étude, qualitative, menée à travers des groupe de discussion et des entretiens approfondis avec des agents, des clients et certains responsables de distribution des principaux fournisseurs, a identifié cinq obstacles rencontrés par les agents ruraux.


1 -Faible capacité financière pour démarrer l’activité
Pour les agents rencontrés lors de cette enquête, les défis dans la distribution des services financiers numériques (SFN), débutent dès le démarrage même de l’activité. Les délais d’obtention des documents administratifs requis - du fait de l’éloignement de certaines administrations publiques - et les difficultés de constitution du capital exigé par les opérateurs, constituent les premiers freins au lancement de l’activité. En effet, peu d’agents arrivent à réunir 200 000 à 300 000 FCFA, le capital de départ demandé par les fournisseurs de SFN, alors que les clients peuvent parfois avoir des transactions supérieures à ces montants élevé . C’est le cas lors des jours d’affluence comme l’a soulevé un agent de Zangnanado :

« Tout le monde est dans le besoin d’argent pour augmenter leur fonds de roulement afin de pouvoir mieux satisfaire la clientèle car quand il y a par exemple des cérémonies on n’arrive pas à satisfaire la clientèle faute de fonds »

Pour renforcer leur capacité financière, la solution des prêts proposés par les opérateurs (en partenariat avec des institutions financières) est une piste envisageable pour les agents. Dans le même veine, des crédits instantanés décaissés sur le compte mobile money, basés sur l’analyse de l’historique des transactions par exemple, peuvent aussi être une solution dans les moments de forte affluence pour éviter les ruptures de service. La mise en œuvre de telles solutions aiderait également à résoudre la question cruciale de la gestion de la liquidité en zone rurale.

2 -Impact de la saisonnalité des activités économiques
« Pendant la saison des pluies, beaucoup vont sur la terre ferme. En ces périodes, quand on va sur la mer, on ne trouve pas de poissons. C’est ce qui agit sur l’activité. Donc quand il n’y a pas de poissons, il n’y a pas de vente pour pouvoir recevoir de l’argent à l’autre bout » ,a confié un agent à Sô-Ava, zone lacustre au sud du Bénin.
Effectivement, la saisonnalité des activités économiques, a un impact direct sur l’activité des agents. Dans les zones rurales agricoles, les paysans écoulent difficilement leurs récoltes en saison des pluies, où il est difficile de circuler. Dans les zones où la pêche est la principale activité génératrice de revenus, les pêcheurs rentrent souvent bredouilles de leurs sorties en mer. Le niveau de productivité et les revenus des populations baissent, entraînant une baisse du volume de transactions traitées par les agents.

3 -L’accès à l’électricité, une charge non négligeable
Un autre défi majeur vécu par les agents dans les zones rurales est le manque d’électrification. Cette situation occasionne d’importants investissements de départ, notamment pour l’acquisition de groupes électrogènes ou d’équipements solaires. Ces charges énormes pour les petits opérateurs économiques, font que la plupart d’entre eux hésitent à installer des points de vente, dans les zones non électrifiées, au détriment des clients et de leurs besoins.
Néanmoins, les agents sont de plus en plus intéressés par les systèmes Pay-as-you-go proposés par des opérateurs d’énergie renouvelable. L’intérêt pour eux est non seulement de bénéficier des équipements pour leurs propres activités, mais également d’en être des prescripteurs auprès des populations. Ils y voient l’opportunité d’étoffer les services proposés dans leurs points de vente, et d’avoir des revenus additionnels pour faire face aux périodes de faible activité.


4 – Formation et suivi quasi inexistants

« (…) Souvent c’est un ami qui forme son ami ; personne ne vient nous former … Ce sont les erreurs qui nous forment »
Cette déclaration des agents pendant les groupes de discussion de Dassa-Zoumè, confirme un grand besoin de formation et d’assistance quotidienne dans le déroulement des activités.

En effet, la plupart des agents ont déclaré avoir reçu une seule formation au démarrage de leur activité, souvent dispensée par des proches ou un autre agent déjà en exercice. Par conséquent, ces agents ne sont pas suffisamment outillés pour servir convenablement les clients et font de nombreuses erreurs de transaction à leurs débuts. Des erreurs pour lesquelles le processus d’assistance et de traitement est décrit comme relativement long et pénible.
Les agents ont exprimé le souhait de bénéficier de formations répétées post-démarrage, dispensées par les équipes des opérateurs de service. Ils espèrent, en outre, une plus grande célérité dans le traitement de leurs éventuelles requêtes liées aux transactions et une gratuité des appels téléphoniques en direction des centres d’appel des fournisseurs de SFN.


5 – Supports marketing, un manque criant
Si la communication marketing est vue à juste titre comme l’une des principales forces des opérateurs de téléphonie mobile, elle semble pourtant faire défaut au niveau des agents mobile money dans les zones rurales. Pour la majorité d’entre eux, les éléments de visibilité reçus au démarrage de leur activité, comme la grille tarifaire et les autocollants, ne couvrent pas leurs besoins et ne sont pas renouvelés lorsqu’ils sont défraichis par les intempéries. Or, pour les populations rurales, la publicité sur les points de vente est capitale et permet de renforcer leur confiance vis-à-vis du service et de l’agent. Face à cela, certains agents investissent dans la peinture de leurs locaux aux couleurs du service ou dans la confection de supports publicitaires, une solution très souvent couteuse pour eux, du fait de leur faible capacité financière.
L’idéal pour les agents, serait donc de bénéficier chacun, de supports de visibilité adaptés suffisamment résistants, comme les drapeaux qu’ils apprécient énormément mais que très peu d’entre eux reçoivent des fournisseurs. Dans les discussions avec les agents, d’autres modèles de distribution ont été évoqués comme le recours aux agrégateurs dans la chaîne de valeur, afin de réduire les interactions souvent longues et complexes avec les opérateurs. C’est le cas dans certains pays où les agrégateurs facilitent le déploiement des agents et la tenue de leurs opérations, grâce à de nouvelles solutions technologiques.


Comment concrétiser ces solutions pour rendre la distribution des SFN plus pérenne en zone rurale ?

C’est le nouveau défi que les fournisseurs de SFN devront adresser dans le futur. Ils pourront compter sur le soutien de UNCDF qui va continuer le partenariat avec les différents acteurs de l’écosystème pour développer des solutions digitales qui accélèrent l’inclusion financière et l’autonomisation économique des couches vulnérables - deux objectifs qui permettent de contribuer aux objectifs de développement durables définis par les Nations Unis.