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Digitaliser la Filiere Elevage pour les Femmes et les Jeunes au Burkina Faso

  • 21 April 2021

  • Ouagadougou, Burkina Faso

L’élevage constitue un secteur clé de l’économie burkinabé. Il concerne plus de 80 pour cent de la population qui pratiquent principalement l’élevage de bovins, caprins, ovins et de volaille.

La contribution de l’élevage à l’économie et au développement du Burkina Faso est estimée à 18 pour cent du PIB et à 26 pour cent des exportations en valeur (Ministère du Commerce, 2016). Ces statistiques économiques et commerciales font de l’élevage la troisième filière d’exportation après l’or et le coton.

Afin de mieux comprendre la filière et son ecosystème, nous avons commandité une « Cartographie de la filière élevage au Burkina Faso pour identifier les opportunités de digitalisation des paiements et des services non financiers » auprès du cabinet Amarante. Les résultats de cette cartographie indique que l’âge moyen des éleveurs est de 44 ans, que près de la moitié d’entre eux sont non-alphabétisés, et que 16,3 pour cent seulement ont un niveau d’étude secondaire et plus. Par ailleurs, le téléphone portable est l’équipement le plus adopté puisque presque tous les éleveurs en possèdent un.

Malgré la part active des femmes et des jeunes dans la filière élevage qui couvre aussi bien la filière volaille que la filière bétail/viande, l’étude a permis de mettre en lumière plusieurs difficultés au niveau de la production et de la taille des cheptels, au niveau de la gestion des revenus et aussi dans le domaine de la formation professionnelle.

Femmes dans la chaîne de valeur bétail/viande et volaille

Depuis le premier maillon que sont les producteurs jusqu’au dernier maillon que sont les consommateurs, différents acteurs interviennent tout au long de la filière bétail et viande, soit pour vendre, acheter, ou transformer et mettre à la disposition des consommateurs, des produits sains et adaptés à leurs besoins. Chacun de ces acteurs joue un rôle qui lui est spécifique.

Dans cet écosystème, les femmes jouent un rôle important. Elles interviennent en grande partie dans la pratique de l’embouche bovine et autres ruminants (ovins, caprins, etc) et sont les principales intervenantes dans la transformation et la commercialisation du lait.

Elles interviennent aussi dans la filière volaille, principalement dans le système intensif, où elles sont propriétaires de fermes avec des effectifs entre 200 et 7 000 pondeuses.

Cependant, il existe des barrières en matière d’éducation couplées à des barrières financières et sociales qui ne permettent pas aux femmes et aussi aux jeunes d’atteindre leur pleine autonomie. En effet, il ressort des focus groupes réalisés avec des associations de producteurs, que l’accès des femmes et des jeunes au crédit est presque impossible et cette exclusion ne leur permet pas de développer leurs exploitations ou de faire face à certains aléas commerciaux ou financiers. C’est ainsi qu’une éleveuse de l’Association Pegwende des Eleveuses de Volaille affirme que : « les jeunes et les femmes n’ont pas accès aux prêts et aux financements ». Cela est par ailleurs confirmé par l’un des membres de l’Assiciation des Eleveurs de Bitou qui déclare que « les jeunes et les femmes ne bénéficient pas de financement. Souvent, ils sont obligés d’adhérer à d’autres structures ».

Association Pegdwende des éleveuses de volaille de Pouytenga

Le faible taux d’alphabétisation est un autre défi que les femmes rencontrent dans la filière élevage et il favorise leur forte dépendance sociale dans la mesure où il les empêche de comprendre les rouages de l’accès au crédit.

L’Association Tilgre des femmes éleveuses de Koupela (ATFEK) dans le Centre-Est déclare avoir un réel besoin d’éducation financière. Elles souhaitent mieux comprendre les produits financiers offerts pas les institutions et les conditions d’accès aux crédits et microcrédits : « nous avons des formations professionnelles mais pas de formation en éducation financière » comme le déclare les membres de l’association ATFEK.

Association TILGRE (ATFEK)

Apport du digital

Les smartphones (usage personnel) et tablettes ou ordinateurs (pour associations/groupements) peuvent jouer un rôle de support pour véhiculer des informations et proposer de modules de formations. Ces supports numérique en améliorant la réactivité décisionnelle des éleveurs lors de la gestion de leur exploitation et en facilitant la compréhension des facteurs-clés de succès permettront d’améliorer leur efficacité commerciale, et donc d’augmenter leurs revenus.

Notre étude a ainsi montré que les jeunes ont une forte appétence pour les smartphones (28,8 pour cent d’entre eux sont très à l’aise dans l’utilisation de cet outil contre 16,8 pour cent des adultes).

Au vu des nombreux besoins des femmes et des jeunes dans la filière élevage, le digital permettrait principalement de lever l’obstacle de l’analphabétisation, au travers de modules de formations visuels et audios mais encore de promouvoir l’accès au crédit par la diffusion d’informations sur les possibilités et facilités de crédit dans le but de favoriser la croissance de l’exploitation et la reduction des tensions de trésorerie.

Ainsi, l’étude révèle qu’environ 74 pour cent des femmes utilisent leur téléphone pour être informées sur les maladies des animaux, et entre 54 pour cent et 64 pour cent sur les prix et les opportunités liées à leur activité.

Autres usages des outils digitaux par catégorie

Notons également que certains besoins en formations exprimés par les femmes se feraient plus facilement en utilisant des supports numériques. C’est le cas de la formation à la technologie et de la formation sur l’usage des services financiers comme l’illustre les graphique ci-dessous.

Nature des besoins de formation: par catégorie

Le dernier point concernant l’apport du digital porte sur l’inclusion financière. Nous avons ainsi constaté à travers l’étude, que seulement 41 pour cent des femmes et 45 pour cent des jeunes disposaient d’un compte dans une banque ou dans un établissement de microfinance, contre plus de 61 pour cent pour les hommes adultes.

On comprend alors pourquoi plus de 41 pour cent des femmes déclarent avoir adopté le mobile money car elles jugent ce moyen plus accessible que la banque, et parce qu’il est relativement facile d’ouvrir un compte dès lors que l’on dispose d’un téléphone.

La digitalisation de la filière élevage pour les femmes et les jeunes se révèle être une nécessité et comporte d’ailleurs de nombreuses opportunités. Tout comme les opportunités dans la filière coton présentées dans un précédent blog, cette digitalisation dans la filière élevage implique de mettre les utilisateurs finaux au centre de la conception des services numériques. Cette étude et son approche centrées sur les utilisateurs ont permis d’élaborer des premières recommandations pour la digitalisation de la filière élevage qui seront présentées et discutées lors d’un atelier le 28 avril 2021 avec les acteurs de cette filière au Burkina Faso.